Energie – L’agrivoltaïque en France

Charles Russell Speechlys | View firm profile

L’agrivoltaïsme, consiste à produire de l’énergie photovoltaïque sur des parcelles de production agricoles.La loi n° 2023-175 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables du 10 mars 2023 (ou « loi APER »), est venue encadrer et codifier cette technique de production d’énergie renouvelables dans le Code de l’énergie, notamment aux articles L.314-36 et suivants, et dans le Code de l’urbanisme. Ces dispositions étant en passe d’être complétées par un décret d’application, nous présenterons brièvement les clarifications qui devraient être apportées par le projet de décret.

Les conditions de la loi APER, clarifiées par le projet de décret en Conseil d’Etat

La loi APER définit l’agrivoltaïsme à l’article L.314-36 I du Code de l’énergie comme « une installation de production d’électricité utilisant l’énergie radiative du soleil et dont les modules sont situés sur une parcelle agricole où ils contribuent durablement à l’installation, au maintien ou au développement d’une production agricole ». En plus de cette définition, cet article énonce des conditions positives et négatives pour qu’une installation soit considérée comme agrivoltaïque.

Production agricole significative et revenu durable

Les installations agrivoltaïques doivent garantir à un agriculteur actif (ou à une exploitation agricole à vocation pédagogique) une production agricole significative et un revenu durable en étant issu.

Pour cela, le projet de décret en Conseil d’Etat prévoit en son article 1 qu’un arrêté listant les technologies éprouvées, permettant une production significative en fonction notamment du mode de culture et du procédé technique utilisé, sera préparé par le ministre en charge de l’énergie et par celui en charge de l’agriculture. Ces technologies bénéficieront de facto d’une présomption d’impact négligeable sur la production agricole.

L’agriculteur pourra utiliser une technologie différente, mais ce dernier devra dans ce cas :

    • justifier d’un cas d’installation agrivoltaïque similaire au niveau département ; ou
    • conserver sur la parcelle concernée une zone témoin permettant d’analyser les effets de l’installation agrivoltaïque (d’au moins 5 % de la parcelle agricole et dans la limite d’un hectare)

La production agricole sera considérée comme significative lorsque la moyenne du rendement de la parcelle n’est pas inférieure de plus de 10 % à la moyenne du rendement par hectare observé sur la zone témoin.

Les revenus devraient être, en application du projet de décret, considérés comme durables lorsque la moyenne des revenus issus de l’exploitation agricole, après l’implantation de l’installation agrivoltaïque ne sont pas inférieurs à la moyenne des revenus avant l’implantation de l’installation et ce en prenant en compte de la conjoncture économique et la situation de l’exploitation.

Les services à apporter à la parcelle agricole

Pour qu’une installation soit considérée comme agrivoltaïque, il faut qu’elle apporte directement à la parcelle agricole au moins l’un des services suivants :

    • L’amélioration du potentiel et de l’impact agronomiques ;
    • L’adaptation au changement climatique ;
    • La protection contre les aléas ; et / ou
    • L’amélioration du bien-être animal.

Ces services sont précisés dans le projet de décret, qui fournit les éléments objectifs utilisés pour apprécier l’effectivité ou non de ces services dans le cadre d’une installation agrivoltaïque. Ces éléments devraient être repris dans les futurs articles R.314-108 et suivants du Code de l’énergie.

De manière négative, une installation ne pourra pas être considérée comme agrivoltaïque si cette dernière porte une atteinte substantielle à l’un des services mentionnés ci-dessus ou une atteinte limitée à deux de ces services.

Critère de l���activité principale

Ne peut être considérée comme agrivoltaïque une installation qui ne permet pas à la production agricole de rester l’activité principale de la parcelle. Le projet de décret en Conseil d’Etat vient là encore donner des éléments objectifs pour apprécier cette activité (projet d’article R.314-116 du Code de l’énergie) :

    • limite de 10 % dans la surface exploitable perdue dans la parcelle agricole à cause de l’installation agrivoltaïque ;
    • hauteur et espacements inter rangées minimums pour garantir la circulation, la sécurité physique et l’abri des animaux ainsi que le passage des engins agricoles dans le cas de parcelles mécanisables ;
    • un taux de couverture (défini comme le rapport entre la surface maximale projetée au sol des modules photovoltaïques sur la parcelle agricole et la parcelle agricole) dont la surface sera fixée par un arrêté du ministre chargé de l’énergie et du ministre chargé de l’agriculture. Ce taux de couverture étant fixé par type de technologie éprouvée. A noter, pour les technologies excédant 10 MW et qui ne seraient pas couvertes par ledit arrêté, le taux de couverture maximum sera de 40 %.

Critère et garantie financière de réversibilité

Les installations agrivoltaïques doivent être réversibles puisque comme le rappelle l’article L.111-32 du Code de l’urbanisme, ces installations sont autorisées pour une durée limitée et sous condition de démantèlement au terme de cette durée. De même, lors de l’arrêt de l’exploitation des installations ou lorsqu’il est constaté que les conditions de compatibilité avec l’activité agricole, pastorale ou forestière ne sont plus réunies.

L’autorité administrative (i.e., le Préfet) peut soumettre les installations agrivoltaïques à la constitution des garanties financières nécessaires au démantèlement et à la remise en état du site. Le projet de décret précise que ces garanties financières visent à couvrir les opérations de démantèlement et de remise en état en cas de défaillance du propriétaire. Le montant de la garantie sera fixé par l’arrêté d’autorisation d’urbanisme. Il pourra être modulé en fonction de la puissance de l’installation.

La procédure administrative

Comme prévu, le projet de décret clarifie la procédure de demande d’autorisation pour les installations agrivoltaïques.

L’information des représentants locaux

Le Préfet a une obligation d’information du maire de la commune et le président de l’’établissement public de coopération intercommunale concernés en cas de saisie de demande d’autorisation d’une installation agrivoltaïque.

Compétence du Préfet

Le projet de décret d’application prévoit d’attribuer la compétence au Préfet pour délivrer les permis de construire ou de se prononcer sur les projets faisant l’objet de déclarations préalables en insérant les projets agrivoltaïques dans l’article R.422-2 du Code de l’urbanisme.

La demande de permis

Dans le cadre d’une demande de permis, le projet de décret prévoit de créer un article R.431-27 dans le Code de l’urbanisme qui devrait créer une obligation de communiquer un document relatif à la consommation d’espaces naturels, agricoles ou forestiers et permettant d’apprécier le respect des critères prévus par le nouvel article R.111-20-1 du Code de l’énergie pour les installations agrivoltaïques ou les serres, hangars et ombrières à usage agricole supportant des panneaux photovoltaïques.

Durée de l’autorisation   

La durée maximale de l’autorisation d’exploitation devrait être de 40 ans. Une fois arrivée à échéance, le terrain devra être remis en état.

Le cas particulier des installations autorisées par l’article L.111-29 du code de l’urbanisme

Comme une exception aux conditions posées par les articles relatifs à l’agrivoltaïsme, le Code de l’urbanisme prévoit l’identification dans un document cadre des zones dont les sols sont réputés incultes ou non exploités depuis une durée minimale et dans lesquels pourront être installés des ouvrages de production d’électricité à partir de l’énergie solaire autres que des projets agrivoltaïques.

Ces espaces, qui devront garder leur vocation originelle (agricole, pastorale ou forestière), seront identifiés dans chaque département par un document cadre établi par la Chambre départementale d’agriculture.


Author: Sandrine de Sousa, Dorian Refloc’h

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